"80 % des nappes phréatiques sont toujours sous-alimentées et les températures actuelles supérieures de plusieurs degrés à la normale incitent vraiment à prendre conscience de l’importance de cette ressource. Sans eau, aucun industriel ne peut produire !" met en garde Jérôme Gay, directeur du pôle Résilience des territoires chez Naldéo, cabinet d’ingénierie et de conseil spécialisé dans les enjeux de la transition écologique. Les arrêtés sécheresse et les restrictions de prélèvement imposées par la Dréal soulignent aussi la raréfaction de cette ressource et appellent à la sobriété.
"L’eau est devenue un élément essentiel dans la stratégie d’un industriel à prendre en compte afin de savoir comment il va se procurer cette composante indispensable, et à quel coût", ajoute l’expert. D’autant que les spécialistes s’accordent à dire que les fleuves vont baisser de 10 à 20 % dans les 20 prochaines années et les eaux souterraines de 20 à 30 %. Un constat qui questionne les modes de consommation et les prélèvements opérés par les activités de l’homme.
Car en France on prélève environ 40 milliards de mètres cubes d’eau par an, dont 5 milliards sont consommés, c’est-à-dire non restitués aux milieux naturels. Parmi ces activités, l’industrie représente 2,5 milliards de mètres cubes d’eau, soit 9 % des prélèvements nationaux. Sur ce volume, le secteur de la chimie prélève jusqu’à 30 %, la papeterie 10 % et les industries agroalimentaires 8 %. Heureusement, beaucoup d’industriels n’ont pas attendu pour faire la chasse au gaspillage, à l’instar de l’Union française des industries des cartons, papiers et celluloses. Adoption de circuits fermés grâce à différentes techniques de traitement (osmoseur, filtration, traitement physico-chimique, etc.) pour réutiliser les eaux pour d’autres usages, récupération des eaux pluviales avec des citernes, stockages souterrains ; solutions d’infiltration via des pavés drainants, des noues, des toits végétalisés… C’est le principe vertueux des 3 R pour "réduire, réutiliser, recycler", qui débute par l’analyse de sa consommation, poste par poste, afin d’identifier sur quels leviers agir.
Mesurer et analyser ses pratiques avant d’agir

Dans le cadre du dispositif Ressourc’eau, la CCI régionale propose un accompagnement personnalisé qui débute par un état des lieux afin d’évaluer la gestion du volume d’eau par l’entreprise, aussi bien l’approvisionnement comme son utilisation au cours du process, l’assainissement, la gestion des eaux pluviales et si l’eau est rejetée ou restituée à son milieu. Ressourc’Eau est un programme déployé depuis 2021 qui comprend trois volets : un premier dédié à la connaissance des besoins en eau sur le territoire, en collectant des données auprès des syndicats, partenaires (…) ; le second consacré à la sensibilisation à travers conférences, ateliers... C’est dans le cadre du troisième volet que l’accompagnement sur mesure est déployé depuis 2021 auprès des entreprises consommant entre 10 000 et 100 000 m3 d’eau par an. À l’issue de cette pré-étude, un plan d’action est proposé afin de limiter tout ce qui peut l’être, comme les fuites, puis voir s'il est possible de soulager la ressource, par exemple l’eau potable, et utiliser à la place une ressource non-conventionnelle : eau de pluie, réutilisation des eaux usées… Le paramétrage d’un réseau de compteurs avec une relève automatisée permet de gagner rapidement en performance.
"Rien qu’en contrôlant poste par poste, et en modifiant le process de rinçage, on a divisé par trois la consommation d’un industriel qui utilisait 17 tonnes d’eau pour créer trois tonnes de produit !' confirme Jérôme Gay, pour qui nombre de bonnes pratiques sont simples à mettre en place. "Nous sensibilisons sur l’ordonnancement notamment, car si l’industriel change de produit plusieurs fois par jour, la ligne de production doit être lavée à chaque fois ! Il ne faut pas attendre d’être en période de stress hydrique pour repenser son plan de production", incite l’expert. D’autant que le lien entre efficacité hydrique et énergétique, parfois méconnu des industriels, impacte directement les coûts de production. "Et il est important d’analyser les rejets via une cartographie, pour connaître la qualité de l’eau sur chaque poste", ajoute Jérôme Gay, qui émet des réserves sur le "re-ute". "La réutilisation peut se révéler très coûteuse - le circuit d’eau doit être dédoublé - et génère un volume restant concentré en polluants", regrette-t-il, en accord avec le directeur général d’Odyssée Environnement, qui privilégie la restitution au milieu naturel grâce notamment à des solutions de pré-traitement.
Embarquer toute l’entreprise
"Lorsque les salariés ont un suivi en temps réel sur les consommations d’eau de leur poste, ils essayent d’améliorer leur performance", constate Jérôme Gay, pour qui l’implication de tous est prépondérante. "La sensibilisation et la formation des opérateurs sont un levier puissant !" À l’instar des panneaux d’information sur la sobriété énergétique, les experts incitent à communiquer (ateliers, communication sur les écogestes, etc.) pour réduire les gaspillages. Lors des diagnostics, il est souvent constaté que c'est sur la zone de production que la consommation est la plus importante, or ce sont des êtres humains qui sont la clé pour faire des économies, en dehors des machines. Par exemple, une entreprise d’équarrissage accompagnée par Ressourc’eau a ainsi réduit de 10 % sa consommation, rien qu’en se focalisant sur son réseau, en mettant en place des économiseurs sur les robinets et en sensibilisant ses salariés. Du diagnostic à la mise en place d’équipements hydro économes, nombre de solutions existent, dont certaines peuvent être subventionnées jusqu’à 80 % par l’Agence de l’eau. N’attendez plus pour économiser des mètres cubes d’eau et de l’énergie à tous niveaux !
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Jusqu’à 80 % de subvention !
Économiser l’eau étant un enjeu de taille pour l’ensemble du bassin, l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne encourage les entreprises à réduire leur consommation en soutenant financièrement les travaux et équipements les plus efficaces, dans le cadre du plan national Résilience Eau. "Nous finançons tout ce qui vise à cette réduction : des diagnostics, des études et des compteurs pour mesurer et analyser les consommations d’eau, des capteurs pour rationaliser les nettoyages, des équipements pour réduire les consommations ou recycler les eaux usées…" explique Denis Rousset, chef de service collectivités et industries à l’Agence de l’Eau Loire Bretagne.
30 millions d’euros pour réduire la dépendance en eau
Au total, une enveloppe de 30 millions d’euros est mobilisée dans le cadre de cet appel à projets "Sobriété des usages" auquel peut prétendre toute entreprise (TPE, PME, artisan, etc.) et organisation. "Nous soutenons les démarches individuelles comme collectives, portées par des syndicats professionnels et collectivités, nous pouvons aussi mener par exemple des actions de sensibilisation et d’information pour des entreprises du même secteur d’activité ou de la même zone géographique". Ce taux d’aide exceptionnel, non-plafonné, est de 70 % et est augmenté à 80 % dans les zones de répartition des eaux (ZRE). Suite au dépôt de la demande en ligne, si le dossier est complet pour un projet inférieur à 150 000 €, la subvention est débloquée en un mois, avec un premier versement de 50 % dès la notification. "Pour les investissements plus coûteux, quatre commissions se réunissent par an", précise Denis Rousset. Cet appel à projet est ouvert jusqu’au 31 décembre 2023 et devrait être reconduit dès 2024 afin de continuer à encourager cette dynamique vertueuse.
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