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Les enjeux de la prévention des risques

Publié le 04/02/2019 - Par elise.pierre@ma...

"Tout dirigeant doit évaluer ses risques professionnels (EVRP) et transcrire le résultat dans le Document unique (DU) obligatoire qui est à l’image de chaque entreprise", rappelle Christophe Boudy, contrôleur de sécurité à la Carsat des Pays de la Loire qui intervient comme ses homologues pour accompagner les entreprises de la région à agir pour la prévention des risques. Car s’il est indispensable de veiller à la protection de ses données, de ses outils comme de son site, il est crucial de veiller à la sécurité comme au bien-être de ses salariés, ressource clé de toute société.

Or, selon la dernière étude Sésame (1) "partout en Europe, la sinistralité des TPE-PME est importante par rapport aux grandes entreprises", regrette Sandrine Caroly, enseignante-chercheuse en ergonomie à l’Université de Grenoble, qui a contribué à cette étude. "Quand il est réalisé, le DU d’évaluation des risques (DUER) est souvent perçu comme une obligation plutôt qu’un outil utile à la prévention," se confie-t-elle au magazine Travail & Sécurité.

Pour autant, de plus en plus d’entreprises sarthoises, de toutes tailles et secteurs, ont su associer les compétences disponibles - Carsat, CHSCT(2), médecin du travail, CCI, santé au Travail 72 - à la rédaction de ce document qui, au-delà de la transcription des résultats de l’évaluation des risques, a été imaginé comme une véritable boîte à outils, comme le rappelle l’INRS.

Le document unique pour le bien de tous

"Rédiger ce DU paraît fastidieux lorsqu’on dirige une TPE, surtout lors des phases de croissance et la CCI m’a aidé. Car la sécurité est pourtant au cœur de toutes nos préoccupations, une bataille quotidienne avec mes équipes : je préfère qu’elles passent deux heures à aménager le chantier avant de débuter, et j'investis dans du matériel adapté. Ce n’est rien par rapport à la vie d’un homme !", témoigne Jean-Jacques Goudier, qui dirige les ateliers éponymes à Sargé-lès-Le Mans. Il a travaillé avec la CCI et l’OPPBTP(3) afin de recenser les risques inhérents à leurs métiers, spécialisés dans la pose et l’installation de portails et menuiseries haut de gamme.

"Les produits en alu, bois (...) sont de plus en plus lourds, de 180 à 500 kg, ce qui nécessite, en manutention, de la rigueur et des outils adaptés", ajoute le dirigeant, qui a recruté huit salariés depuis 2013, dont la moyenne d’âge est jeune. "Le travail mené sur l’évaluation des risques a renforcé notre vigilance sur les accès aux chantiers et j’impose l’utilisation du nouveau robot de pose, qui permet de lever jusqu’à 350 kg et de réaliser 95 % de nos interventions !", ajoute le dirigeant, satisfait de l’analyse menée avec l’OPPBTP, qui lui a permis de recenser des risques qu’il avait chaque jour sous les yeux. "Je n’avais pas pensé par exemple à équiper la personne à l’accueil d’un fauteuil ergonomique et d’un double écran, cela évite les problèmes de dos à moyen terme, tout en diminuant sa fatigue". De même une rampe a été installée,

Jean-Jacques Goudier a investi dans du matériel pour faciliter les interventions de ses salariés.20 000 euros ont été investis pour le robot de levage pour les interventions en hauteur. "C’est un travail de longue haleine car les jeunes, ultra motivés, ne pensent pas à long terme. J’ai déjà dû licencier à cause des risques qu’un salarié prenait et faisait prendre à tous, sans protection, pour aller plus vite. Or le coût d’un arrêt, en marge journalière, c’est une catastrophe !" L’humain est en effet dans l’entreprise un capital à préserver et le coût de l’absentéisme mesurable.

La Carsat rappelle qu’avec 600 accidents et maladies professionnels par heure travaillée, les risques professionnels ont un coût direct de 13 milliards d’euros pour les entreprises via leurs cotisations AT/MP, soit 58 millions de journées perdues (233 000 emplois à temps plein) tous secteurs confondus. "Sans compter les coûts indirects, de deux à trois fois le coût direct qui s’ajoutent : perte de productivité, réorganisation des équipes, dépenses liées à l’absentéisme...", ajoute Christophe Boudy, contrôleur à la Carsat.

Un coût du risque estimé à 13 milliards d’euros

Afin d’accompagner les TPE-PME, parfois désarmées devant la complexité de la réglementation et moins outillées que les grands groupes, la Carsat multiplie les actions par des programmes de prévention axés sur les risques prioritaires, des actions vers les plus sinistrés, des outils d’information, des aides financières et bien sûr intervient sur le terrain. "Face aux risques prioritaires, notamment liés aux TMS, cancers professionnels, chutes de hauteur ou fumées de soudage, nos interventions ciblent environ 4 % des entreprises et couvrent 30 % de la sinistralité", explique le contrôleur.

Face au "mal du siècle", plus exactement la problématique des troubles musculo-squelettiques (TMS), un programme prioritaire TMS Pros a été engagé depuis 2014 par l’Assurance maladie-Risques professionnels, afin d’accompagner 8 000 entreprises sur le territoire. "Les TMS constituent la première cause de maladies professionnelles reconnues, 85 % des maladies professionnelles indemnisées et ont entraîné la perte de plus de huit millions de journées de travail", précise Christophe Boudy. Le second programme TMS Pros, qui débute, intègre également les lombalgies, qui représentent 20 % des accidents du travail. Adapté à tous secteurs, ce programme national guide les entreprises dans la mise en œuvre d’une démarche de prévention primaire pérenne, depuis la prise de conscience du risque jusqu’à l’évaluation des actions spécifiques mises en œuvre.

"Cette pathologie d’hyper-sollicitation a plusieurs facteurs de risque : d'ordre biomécanique (efforts, répétitivité, amplitude articulaire), physique (bruit, vibrations, froid...), mais aussi psychosocial. C’est pourquoi il est complexe d’intervenir et que l’on ne peut se limiter à un seul facteur. Ainsi, préconiser uniquement des échauffements a une efficacité limitée", explique Stéphanie Poussin, ergonome à la Carsat.

Identifiée parmi les entreprises à forts risques, Arjowiggins s’est engagée dans ce programme : "Nous avons identifié les postes prioritaires, au vu du tableau des maladies professionnelles, avec l’aide de notre infirmière. Puis, nous avons étudié la partie biomécanique pour relever toutes les actions et opérations à risque", explique Amandine Balthazard, responsable sécurité environnement. Depuis, l’usine agit pour réorganiser le travail avec l’implication des opérateurs.

Christophe Boudy, contrôleur de la sécurité à la Carsat, accompagne les entreprises du territoire.Afin d’éviter les postures fatigantes et les TMS, des solutions innovantes sont déployées, à l’instar de l’exosquelette testé chez GKN Driveline (cf encadré). Ces modèles s’enfilent comme un harnais et permettent à l’utilisateur, grâce à un système de vérins, câbles ou ressorts, de supporter une position fatigante ou de porter une charge lourde. "On note le déploiement de robots collaboratifs comme le cobot, qui assiste l’opérateur en restant dépendant de son intention, de son geste ou de son comportement. Il faut donc son acceptation côté salarié, reconnaît Christophe Boudy. Et attention à ce que ces aides innovantes ne génèrent pas de nouveaux risques !"

Avec l’avènement de technologies comme la réalité virtuelle, des outils sont proposés par l’IAM, Clarté, HRV et Laval Virtual. "Si l’entreprise est dans une démarche globale d’évaluation, ces outils comme la projection en 3D ont déjà permis de limiter des risques en amont sur l’aménagement de postes", reconnaît Christophe Boudy, pour qui toutes ces aides ne seront déployées... qu'après une analyse d'activité. "Nous recommandons en priorité de supprimer le risque ou l’exposition au danger, d'adapter le travail à l'homme et de prendre des mesures collectives, en priorité aux protections individuelles !"

Impliquer et faire monter en compétence les salariés

Si de plus en plus d’entreprises sont engagées dans une démarche globale de sécurité, toutes témoignent à l’unisson sur la clé de la réussite : l’adhésion et l’implication de leurs salariés. "C’est auprès de mes salariés que la prise de conscience est très compliquée", reconnaît Jean-Jacques Goudier, "Une démarche de prévention des risques se construit en impliquant tous les acteurs concernés et en tenant compte des spécificités de l’entreprise", confirme l’ergonome de la Carsat.

L’entreprise Salesky Transports a ainsi organisé fin 2018 une journée de sensibilisation à la sécurité routière et nommé huit "conducteurs référents". Chez GKN Driveline, chaque salarié est responsabilisé via le programme Near Miss, afin de détecter tout risque potentiel (cf encadré). Le dirigeant des Ateliers Goudier a équipé ses véhicules d’options pour sécuriser ses salariés. "Le risque routier est le premier, juste avant les chutes. Je vais former au Caces tous les salariés pour qu’ils soient habilités à utiliser tous les outils, échafaudage, chariot... L’idée est que la compétence sur la sécurité ne soit pas qu’individuelle, mais dans toute l’entreprise !"

La route, première cause de mortalité au travail

Les accidents de la circulation représentant la première cause de mortalité au travail, la prévention routière constitue un enjeu majeur. Arjowiggins à Bessé-sur-Braye compte parmi les 1 600 entreprises pionnières engagées dans la charte Route Plus Sûre, lancée par le ministère de l'Intérieur et la Sécurité routière. Leurs actions menées dans le cadre de cette charte ont déjà permis de réduire de 9,4 % les infractions commises au volant de véhicules professionnels.

Ce premier bilan atteste de la mobilisation des chefs d’entreprise contre ce fléau. Et 83 % ont respecté la loi appliquée depuis le 1er janvier 2017, qui oblige à révéler l’identité d’un salarié ayant commis certaines infractions au volant d’un véhicule professionnel. "Nous avons toujours organisé le concours de la sécurité routière et des opérations de sensibilisation sur les trajets domicile-travail, l’alcool au volant, la vitesse... d’autant que ces règles s’appliquent aussi au sein de l’usine !" explique Amandine Balthazard. "Le co-voiturage est également très développé et favorisé par notre entreprise".

"La montée en compétences est un levier dont doit se saisir chaque entreprise, insiste Stéphanie Poussin. Les salariés ont des idées pertinentes et adaptées pour améliorer leurs conditions de travail. C'est en les mobilisant et en les formant qu'ils pourront participer à la maîtrise du risque et être acteurs de leur propre prévention !"

Comme en témoignent ces acteurs, toute prévention est bénéfique pour l’entreprise, aussi bien en termes de qualité de vie au travail que d’image pour l’entreprise et de performance économique ! Pour preuve, en Grande-Bretagne, les organisations vertueuses en matière de bien-être ont vu leur absentéisme reculer de 30 à 40 %.

 

(1) L’étude Sésame a été conduite par un consortium rassemblant des chercheurs de neuf pays européens : Danemark, Suède, Estonie, Roumanie, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Belgique, France) : https://osha.europa.eu

(2) Comité d’hygiène, de sécurité et de santé au travail

(3) Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics

 

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