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Économie circulaire : Quelles opportunités pour l'entreprise

Publié le 03/05/2019 - Par elise.pierre@ma...
L'économie circulaire est un modèle de production et de consommation qui consiste à partager, réutiliser, réparer, rénover et recycler les produits et les matériaux existants le plus longtemps possible afin qu'ils conservent leur valeur. "De cette façon, le cycle de vie des produits est étendu afin de réduire l'utilisation de matières premières et la production de déchets", explique Rémy Le Moigne, consultant dédié chez Gate C, qui accompagne les entreprises dans la mise en place de cette démarche. Alors que l’Union européenne génère plus de 2,5 milliards de tonnes de déchets chaque année, la commission travaille actuellement sur la mise à jour de la législation, afin de promouvoir la transition vers une économie circulaire. S’opposant au modèle économique linéaire traditionnel basé sur le concept du "prélever-fabriquer-jeter", l’économie circulaire s’oppose en ce sens à l’obsolescence programmée, pratique à laquelle le parlement européen souhaite mettre fin. 
 
Transformer les contraintes environnementales en opportunités
 
Dans ce contexte réglementaire, nombre d’entreprises se saisissent de la démarche comme d’un véritable levier pour leur compétitivité. En effet, la responsabilité sociétale et environnementale (RSE) est "un nouvel enjeu business" selon l’étude publiée par Havas Paris, le CSA Research et L’Express : "76 % des entreprises pensent qu’elle aura un impact sur leur modèle économique". En Europe, l’économie circulaire permettrait aux entreprises de réduire leurs coûts de 600 milliards d’euros, soit l’équivalent de 8 % de leur chiffre d’affaires. 
 
"L’entreprise doit regarder attentivement à trois niveaux : ses achats/ approvisionnements, la production et la vente. Et se demander comment ces nouveaux modèles peuvent contribuer à leur stratégie en travaillant sur leurs ressources plutôt que d’acheter massivement", conseille Rémy Le Moigne. Les grands groupes se sont lancés dans la boucle vertueuse et nombre de TPE PME, avec l’appui de l’Ademe et de la CCI notamment, s’engagent dans cette transformation. 
 
Rémy Le MoignePourtant, ce concept existe "depuis les premières activités artisanales !", rappelle Rémy Le Moigne. Les agriculteurs mutualisent en effet depuis longtemps l’utilisation de leurs tracteurs, machines à vendanger comme leur main-d’œuvre lors des récoltes. "Partager l’utilisation d’un équipement est l'un des cinq grands modèles de l’économie circulaire," explique-t-il. Du partage d’un entrepôt ou d’un camion, ce principe peut s’appliquer à des outils technologiques coûteux. 
 
"Ce concept s’est étendu plus récemment au secteur industriel, où des solutions sont très simples à mettre en place avec de vraies économies réalisées", ajoute le consultant, qui conseille un autre modèle basé sur le recyclage des matières, des emballages, etc. "Les technologies de recyclage sont maîtrisées pour de nombreux matériaux". Pour aller plus loin, la valorisation de ces déchets permet de prolonger la vie de ces matières, à l’instar de détergents réutilisés pour le lavage de voiture. 
 
En Sarthe, nombre de filières facilitent le recyclage et la valorisation des déchets, comme chez Neopost, Legrand ou encore le groupe FaireValoir, spécialiste de l’impression de supports visuel, certifié ImprimVert, Recylum et label A+. "Pour Figarol, l’écologie n’est pas un argument de vente, mais une réalité quotidienne ! L’ensemble du personnel, engagé dans une démarche éco responsable, trie tous ses déchets qui intègrent des filières de recyclage, traitement ou réutilisation," témoigne son PDG Frédéric Roux. Grâce à la mise en place d’un réseau de poseurs national pour réduire l’empreinte carbone, la sélection des fournisseurs... "Nous avons augmenté de 300 % les appels d’offre propres au niveau groupe". Un calculateur bilan carbone permet d’évaluer et suivre les émissions de CO2 sur chaque réalisation. "Nous privilégions les produits écoresponsables et proposons une alternative bio, avec un catalogue qui repense matières et supports utilisés".
 
Et si la conception du dernier bâtiment passif au Mans leur a valu un prix d’architecture et d’urbanisme, le groupe y a mis en pratique une initiative originale : "Nous avons choisi l’éco-pâturage pour l’entretien de nos espaces verts grâce à deux magnifiques chèvres des fossés, une espèce protégée !".
 
Donner une seconde vie aux produits
 
Selon le même cercle vertueux, lorsqu'un produit arrive en fin de vie, les ressources qui le composent peuvent être maintenues dans le cycle économique. Elles pourront ainsi être utilisées encore et encore pour recréer de la valeur. "Modèle courant en Europe du Nord, les entreprises françaises doivent s’en saisir pour prolonger la vie du produit, en démontant la machine usée, la remettant à neuf, tout en gagnant minimum 30 % sur le prix. Les bénéfices sont démontrés par l’expérimentation menée sur les téléphones portables depuis longtemps !", explique Rémy Le Moigne. 
 
L’entreprise Neopost, basée au Lude, a poussé le modèle jusqu’à mettre en œuvre "l’économie de la fonctionnalité", cinquième modèle défini par le consultant : "La société ne vend pas le produit, mais l’usage de ce produit, sur le principe de la location ou leasing. C’est un modèle très vertueux pour la gestion des matières". Le remanufacturing développé sur le site du Lude a fait ses preuves. 
 
Seule contrainte, pour réintroduire les produits usagés dans les différentes étapes de la chaîne logistique (production, distribution et utilisation), la mise en œuvre de l’économie circulaire implique une chaîne logistique à l’envers, ou reverse supply chain. "L’économie circulaire n’est plus seulement une approche, elle doit être au cœur de la stratégie des entreprises, comme l’a fait Philips, devenu fournisseur de services", ajoute-t-il. D’autres organisations et entreprises ont emprunté cette voie verte, à l’instar du groupe pharmaceutique GSK au Royaume-Uni, qui a réduit ses coûts annuels de 280 000 euros en substituant l'approvisionnement d'alcool méthylique vierge par de l'alcool recyclé.
 
Chaleur fatale : levier de compétitivité pour l'industrie
 
Des incinérateurs de déchets ménagers en passant par les data centers, les sites industriels d’où s’échappe la chaleur fatale de leur process et utilités sont nombreux. L'Ademe comptabilise plus de 7 000 établissements de plus de dix salariés dont les activités libèrent plus de 40° à 100° C selon les secteurs. Afin d’encourager la récupération de cette chaleur pour chauffer les bâtiments, l’État et l’Europe soutiennent par différents dispositifs l’investissement. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit de quintupler le volume de chaleur recyclée d’origine industrielle en la faisant passer de 0,5 TWh par an en 2016 à 3 TWh en 2028.
 
Sébastien Lamartine, dirigeant de TMS à Allonnes. ©  François Navarro"Les certificats d’économie d’énergie permettent des aides financières aux industriels qui peuvent investir dans des matériels plus performants, intégrant la récupération de cette chaleur, et ainsi augmenter leurs performances énergétiques tout en diminuant leur empreinte carbone. Nos installations sur groupe froid, et sur compresseur d’air comprimé permettent de récupérer jusqu’à 100 % d’énergie, utile pour le chauffage de locaux, sanitaire ou process", précise Sébastien Lamartine, qui avec son associé Denis Bassecoulard a repris la société TMS d’Allonnes, où ils proposent leur expertise sur les activités connexes de l’énergie.
 
"Intégrateur de solutions, en travaillant sur ces utilités de production de froid et d’air comprimé, nous pouvons récupérer les énergies perdues sous différents états," ajoute-t-il. La chaleur récupérée peut couvrir les besoins partiels ou intégraux. Ainsi, l'usine Alphacan à Sablé-sur-Sarthe, comme les différents sites Legrand ont réduit leurs coûts annuels de chauffage de 50 à 100 %. 
 
Un plateau de compétences manceau dédié à l’écoconception
 
La société BM Architectes, qui compte deux agences dont une au Mans, a toujours associé la conception architecturale aux enjeux d’impact environnemental et de performances énergétiques. "Pour des raisons de qualité technique comme environnementales - l’impact carbone étant moindre - le mode constructif privilégiant la filière bois s’est imposé. L’adéquation aux enjeux de transition environnementale et numérique a alors nécessité la montée en compétences de nos métiers", explique le gérant Stéphane Béranger. 
 
Pour accompagner cette évolution de la chaîne de valeurs métiers, BM Architectes a bouleversé ses méthodes de travail et est passé d’un schéma horizontal à la mise en œuvre d’une réflexion globale menée par une équipe pluridisciplinaire : géographe, urbaniste, architecte, paysagiste, ingénieur, médecin, industriel... "Aujourd’hui, l’architecte ne travaille plus seul ! Nous impliquons tous les acteurs sur chaque projet, jusqu’aux futurs habitants". Les nouveaux outils tels que la maquette numérique BIM sont alors des leviers pour faciliter les échanges entre bureaux d’études, industriels et entreprises. Objectif : réduire les coûts (fabrication et mise en œuvre) tout en augmentant le niveau de performances "vers le zéro défaut, la RT 2012, le passif, Qualitel niveau A et le prochain label E+C-", détaille le dirigeant. 
 
C’est ainsi qu’est née au Mans la plateforme collaborative dédiée à l’écoconception, permettant le partage des savoirs et compétences. "Nous avons créé ce lieu collaboratif autour d’un ADN commun : minimiser l’impact carbone et réduire les consommations d’énergie. Nous avons trouvé au Mans un terreau économique favorable et très compétent sur la filière de l’écoconstruction, donnant vie à un écosystème qui favorise cette montée en compétences de tous ! ", se réjouit-il. En effet, la mutualisation des expériences et savoirs apporte à chacun des acteurs une valeur ajoutée pour développer leurs propres projets. 
 
36 logements bois réalisés à Yvré-l'Évêque grâce à la plateforme collaborative dédiée à l'éco-conception.Ce plateau de compétences s’est concrétisé par l’ouverture d’un espace de 100 m² au Mans, composé de six postes de travail, dont trois sont déjà occupés par l’agence Autre Territoire et BM Architectes. "Cet espace est ouvert au plus grand nombre, grâce à l’organisation de rencontres mensuelles entre associations professionnelles, pour mener ensemble des actions en faveur de l’écoconstruction ! ". 
 
Ce travail collaboratif a déjà permis la sortie de terre d’une maison individuelle bois au Mans, avec BM Architectes, Racine Be et Charpente Cénomane. 36 logements bois ont aussi été réalisés à Yvré-l’Évêque pour Sarthe Habitat (première opération certifiée E+C- en Sarthe) grâce au concours de BM Architectes avec Wigwam Be Environnement et Charpente Cruard.
 
EIT : les entreprises jouent collectif et partagent leurs flux
 
La mutualisation des besoins des entreprises selon une logique de circuit court s’inscrit au cœur même de l’économie circulaire. Dénommée Écologie industrielle et territoriale (EIT) ou symbiose industrielle, cette démarche pilotée par les trois chambres consulaires permet de diminuer les impacts de l’activité économique sur l’environnement, en mettant en place "un mode d’organisation inter-entreprises par des échanges de flux ou une mutualisation de besoins", selon la définition de l’Ademe. "Les entreprises peuvent échanger tout flux : biens, matières, énergie, ressources humaines, locaux, transports, services...," détaille Sarah Drazek, chargée de mission économie circulaire à la CCI. 
 
Avec des partenaires locaux (élus, communautés de communes, clubs d’entreprises, etc.), la CCI a contribué à la mise en place de synergies à l’échelle des pays. "La synergie de mutualisation, dite collective, permet à plusieurs entreprises de mutualiser la fourniture ou le traitement de leurs flux. Et la synergie individuelle permet de substituer un flux entrant neuf par un sortant d’une autre entreprise, peu ou pas valorisé".  Avec à la clé des économies financières et environnementales qui contribuent directement à la compétitivité ! 
 
Échanges de ressources : un champ des possibles infini
 
Démarche EIT avec les entreprises.À l’issue des diagnostics des besoins locaux de 187 entreprises, le Pays de Sillé a été le premier à valoriser ses flux avec la communauté de communes, en mutualisant les besoins de formation (document unique, sécurité/incendie et sauveteur secouriste du travail). La mise en place de collectes des D3E en 2017 et 2018 a aussi permis de collecter 4,9 tonnes, et de reverser 1 200 euros au profit du Téléthon. 
 
Sur le Pays fléchois, l’achat groupé d’électricité mené avec Collectif Énergie a réduit de 10 % minimum les factures des entreprises engagées. Au nord du Mans, c’est la gestion collective du carton qui a été mise en place avec Échotri tandis qu’au Sud Est du Pays manceau, 115 salariés issus de 22 entreprises ont bénéficié de formations groupées (incendie, SST et Caces).
 
"L’impact carbone est réduit, seul l’intervenant se déplaçant pour délivrer sa formation au plus grand nombre", souligne Sarah Drazek. Et l’EIT donne ainsi accès aux TPE et PME à des formations spécifiques qu’elles n’auraient peut-être jamais pu financer seules ! Dernière action en date, sur Les Hunaudières, une négociation est en cours sur les vérifications périodiques obligatoires sur les installations (électriques, incendie, etc.). "Les entreprises sont actrices, choisissent elles-mêmes leur prestataire selon leurs besoins, le nombre de salariés concernés". Une offre sur mesure peut alors être déployée localement, quel que soit le flux ! 
 
L’EIT sonne comme un rappel du célèbre adage, l’union fait la force ! Le panel d’acteurs, issus d’entreprises mais aussi de collectivités et structures publiques, contribue à démultiplier les effets de ce cercle vertueux. De quoi voir l’avenir... en vert.
 
 
 
 
Contact CCI : Sarah Drazek au 02 43 21 00 32
 

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