La démonstration de Virginie Raisson-Victor fut claire, argumentée et enthousiasmante. "La résilience, ce mot valise qu’on utilise beaucoup, précise-t-elle, désigne la capacité d’un individu à prendre acte d’un événement traumatique, à le dépasser pour se reconstruire. Par extension, la résilience désigne la capacité d’un système, d’un territoire, d’une organisation à rebondir à l’issue d’une crise ou d’une rupture et à se transformer pour aller vers un état qui soit plus conforme au nouvel environnement."
Soulignant la différence entre résilience et robustesse - "l’Europe n’est pas très robuste dans sa construction, mais sa résilience n’est-elle pas liée à son manque de robustesse ?" - elle cite Jean Monet, l’un des pères fondateurs : "L’Europe se fera dans les crises et ce sera la seule solution apportée à ces crises." Une prédiction vérifiée lors des diverses grandes crises connues par l’Europe (Grèce, Brexit, crise migratoire…) et, peut-être, celle de la Covid.
Très touchés, les pays européens ont au départ réagi en ordre dispersé, les réponses apportées paressant incohérentes sur le plan sanitaire et économique. Les plans d’accompagnement des États membres remettaient même en cause les règles budgétaires européennes et les règles en matière de fermetures des frontières sans concertation. Au point que début mars, certains pensaient que l’on était à la fin d’un processus et à la fin de l’Europe. "On pense alors que la crise du covid 19 est celle de trop, celle qui met à mal les mécanismes européens, celle qui fait plier le marché unique et l’espace Shengen."
Une dette mutualisée
Pourtant, constate Virginie Raisson-Victor : "en juillet, on peut faire le constat que les Européens ont surmonté cette première vague tout en préservant l’ordre social et la démocratie sans avoir recours aux méthodes efficaces, mais très coercitives de la Chine (…)
En engageant assez rapidement des politiques à l’échelle européenne, en mettant en place des dispositifs de chômage partiel, en adoptant ce plan de relance commun, l’Europe a réussi à montrer la pertinence de son modèle et la robustesse de l’État providence dont on croyait quelques mois plus tôt que c’était un modèle obsolète."
La santé est devenue l’un des domaines de coopérations européennes prioritaires alors qu’elle ne faisait même pas partie des politiques européennes. L’Union européenne a adopté un plan audacieux en amenant les Européens à choisir de mutualiser leur dette créant de facto une fiscalité européenne. "Il s’agit pour la première fois d’un projet systémique, transversal, qui touche toutes les politiques, à grande échelle, unique en son genre à l’échelle mondiale et qui, à la faveur de la crise sanitaire, pourrait être fondateur d’un nouveau récit. C’est trop tôt pour le dire, mais ce serait là un nouvel exemple d’une résilience de l’Europe au moment où, justement, il devient urgent de proposer un récit qui fédère l’Europe plus qu’il ne divise, de réinsuffler cette envie d’Europe qui s’était largement essoufflée."
Pierre-Jacques Provost
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Virginie Raisson-Victor : est une chercheure-analyste en relations internationales, géopolitique et prospective. Depuis 2008, elle dirige le LÉPAC, un laboratoire privé et indépendant sur lequel se sont notamment appuyés l'émission et les ouvrages de l’émission "Le Dessous des cartes" pendant 26 ans.
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